vernissage vendredi 17 février, exposition jusqu'au 11 mars 2017

 

Poètes invités

ALTAGOR , Nicole BENKEMOUN , Julien BLAINE , Philippe BOISNARD , Jean-François BORY , Augusto de CAMPOS , Henri CHOPIN , COSTIS , Sylvain COURTOUX , Jacques DEMARCQ , Jacques DONGUY , Pierre GARNIER , Hortense GAUTHIER , Michel GIROUD , Dick HIGGINS ,

Joël HUBAUT , Eduardo KAC , Kitasono KATUE , Jiri KOLAR , Maurice LEMAÎTRE , Claude PéLIEU WASHBURN ,Décio PIGNATARI ,

François POYET , Roland SABATIER , Takahashi SHOHACHIRO , Shin TANABE , Pierre TILMAN , Nanos VALAORITISAnne-James CHATON ,

Alain ARIAS MISSON , Paulo PRUSCKY , Miroljub TODOROVIC , Alain ARIAS MISSON

 

 

Jacques Donguy est l’auteur du livre / anthologie Poésies expérimentales – Zone numérique aux presses du réel en 2007. L’exposition veut montrer la diversité des pratiques et des supports, le papier, la photographie, le collage, la typographie, l’ordinateur, et recouvre la diversité des mouvements récents, après le surréalisme : lettrisme, poésie concrète, poésie visuelle, poésie numérique. La poésie peut paradoxalement faire l’objet d’expositions dans des musées, comme on l’a vu récemment au Palais de Tokyo avec John Giorno, au Centre Pompidou avec la Beat Generation et au Brésil avec la rétrospective Augusto de Campos à la SESC de São Paulo, dans la mesure où l’on considère que la poésie est un art, plus proche des arts plastiques et de la musique que de l’écriture, dont il faudrait redéfinir le champ. Comme le dit Augusto de Campos dans sa préface à son recueil Não, Non : « Parfois je pense que je suis moinspoète que musicien et moinsmusicien qu’artiste graphique. » Présent aussi à la Biennale de São Paulo, un poète, Wlademir Dias-Pino, à l’origine du mouvement du Poème-Processus, dont on trouve une longue interview dans la revue Celebrity Cafe #2 (presses du réel), consacré à ce type de pratiques.

Augusto de CAMPOS

 

PULSAR

 

1975

 Dans le texte portugais, tous les « e » sont remplacés par l’image d’une étoile (*) et tous les « o » par l’image d’un corps céleste rondeÊ, comme une petite lune. Ce qui donne en portugais :

 

ONDE QUER QUE VOCE ESTEJA

EM MARTE OU ELDORADO

ABRA A JANELA E VEJA

O PULSAR QUASE MUDO

ABRAÇO DE ANOS LUZ

QUE NENHUM SOL AQUECE

E O OCO ESCURO ESQUECE

 

Et en français :

 

EN QUELQUE LIEU QUE TU SOIS

SUR MARS OU SUR ELDORADO

OUVRE LA FENÊTRE ET VOIS

LE PULSAR PRESQUE MUET

ÉTREINTE D’ANNÉES LUMIÈRE

QU’AUCUN SOLEIL NE REFLÈTE

ET QU’UN ÉCHO SANS SONS RÉPÈTE

 

Les « o » s’agrandissent, deviennent progressivement plus proches et les « e » diminuent de ligne en ligne, chaque fois plus distants. Dans la version portugaise, à la dernière ligne, la lune (« o ») et l’étoile (e) se rencontrent en un mot unique : « OCO » (« vide ») qui a une étoile en son centre, comme un trou noir, et qui par conséquent peut être lu aussi comme « ECO » (« écho »). Les « o » du vide se stabilisent au niveau des autres lettres en même temps que l’étoile décroissante qui forme l’écho est prête à disparaître.

 

Voir Augusto de Campos, Poètemoins, Anthologie, p. 131, presses du réel, 2011.

 

Augusto de Campos, né en 1931, est le dernier survivant du mythique groupe Noigandres de Poésie Concrète brésilienne.

AUGUSTO DE CAMPOS

 

POÈMES EXTRAITS DE SON DERNIER RECUEIL “OUTRO” (2015)

Fichiers numériques envoyés par internet du Brésil. Donc poésie concrète numérique. Tirages sur papier photo, signés au dos lors d’un séjour à São Paulo en novembre dernier.

- “PALAVRAS” : “PAROLES”, 2000.

Au centre : « e nada mais », « et rien de plus »

 

- “MENOS OU MAIS”, “PLUS OU MOINS”

Le titre réel est : “cansaço dos metais”, “la fatigue des métaux”, 2008.

 

- “os que não falam”, “ceux qui ne parlent pas”, titre : “os que não”, “ceux qui ne ”, 2010.

 

- “ter remoto”, 2 mots séparés par un espace, traduction : “avoir” et “à distance”. Réunis, “terremoto”, “tremblement de terre”. Titre en français : “papillon-tremblement”

 

Augusto de Campos joue avec l’idée de l’effet papillon de Lorenz. Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? Date : 2011. Traduction du poème :

PAPILLON

QUEL TREMBLE

MENT DE TERRE

PAR HASARD

FAIT LE

LÉGER

T

REMBLEMENT

DE TA

FAIBLE

AILE

 

- “HUMANO”, “HUMAIN”. Ce mot, en portugais, peut se lire aussi en espagnol ou en anglais, à une lettre près, le « o » final. Augusto de Campos a obtenu un alphabet complet, en modifiant et en profitant de certains hexagrammes et de quelques similitudes avec notre alphabet latin conventionnel, pour former le mot HUMANO dans la représentation en carré du I CHING. Et il a inversé les lettres choisies du noir au blanc. Date : 2014.

Jacques DONGUY

 

Médias liquides en Pure Data

 

 

« “Pd-extended I, Poésie numérique en Pure Data”, est composé de captures d’écran d’images produites par un logiciel. Cet ensemble de “textes”, contrairement aux précédents textes intersémiotiques produits sur logiciel Director à partir de  2002, a été réalisé en 2013 avec le logiciel Pure Data, mis en place sur notre MacBook Pro par Philippe Boisnard selon nos indications et au cours d’un séjour au centre DATABAZ à Angoulême à l’occasion de la venue du poète autrichien Jörg Piringer. L’idée était de programmer sur l’ordinateur indépendamment textes, sons, images fixes ou courtes séquences vidéo comme autant de bibliothèques, et ceci de manière aléatoire. Ce qui veut dire que chaque apparition sur l’écran est originale. Par exemple, sur une même image fixe ou animée, les textes et les typographies qui défilent seront différents. Les images sources proviennent, pour la plupart, de captures d’écran à partir de vidéos en caméra numérique que nous avons filmées personnellement. Une mémoire échantillonnée. Sauf qu’il s’agit d’une mémoire d’ordinateur, qui n’est pas la mémoire humaine, fondée elle, comme nous le rappelle Jorge Luis Borges, sur l’oubli, même si le terme employé est le même. Recherche du temps perdu comme chez Marcel Proust, sauf que là rien n’est perdu, la mémoire informatique gardant tout, à partir notamment d’icônes, c’est-à-dire de ce qui est à l’origine de la fascination photographique. Images de Bangkok, de Mysore, de Los Angeles, de São Paulo, de la route entre Mombasa et Nairobi, mais aussi d’une piscine près d’Aix-en-Provence, ou images prises de hublots d’avions survolant à 10.000 mètres d’altitude l’océan Atlantique ou le continent asiatique, mais aussi celles d’œuvres d’Augusto de Campos extraites d’un hologramme, pour “Poema Bomba”, ou d’un CD-ROM, pour “Doors of Eyear”. Les problèmes de réalisation qui se sont posés ont été des problèmes, finalement, artistiques : choix des images, comme on choisit les mots dans l’écriture classique, rythme de défilement des images, choix des sons, choix des fragments de textes typographiques… Donc des problèmes d’écriture, sauf qu’il s’agit ici d’une écriture élargie, “étendue” à l’image et au son, d’où, dans le titre, le mot “extended”, terme technique du logiciel Pure Data, repris ici et détourné de son sens premier. Mais si l’on utilise une technologie autre que celle de l’imprimerie, datant de Gutenberg, ce qui ne fait que quelques générations, à quel type d’ “écriture” va-t-on aboutir, puisque l’ordinateur traite indifféremment images et sons, et fait appel à nos deux sens principaux, la vue et l’ouïe, alors que le texte imprimé (la “print technology” comme le dit McLuhan dans la “Galaxie Gutenberg”) ne fait appel qu’au sens de la vue, avec toutes les conséquences que l’on sait : mise à distance, idéalisme et ses avatars, idéologies ? Il nous faut aussi donner une nouvelle définition de cette notion de “mot”, compris maintenant au sens d’ “unité de sens minimum” ou u.s.m., qu’elle soit à base de typographies, de sons ou d’images fixes ou animées. »

 

Extrait d’un livre papier et numérique à paraître, “Jacques Donguy, Pd-extended poésie numérique en Pure Data”, composé de nombreuses captures d’écran et de textes théoriques, aux presses du réel, en avril 2017. 

Eduardo KAC

Letter

1996

 

Poésie numérique, sérigraphie, iris print sur papier d’Arches, édition à 15 exemplaires.

Un poème de navigation qui se présente au spectateur à travers l’image d’une spirale en trois dimensions (3D) éjectant le centre d’une spirale à 2 dimensions. Les 2 spirales sont faites exclusivement de textes. Le lecteur peut saisir et faire tourner cette image verbale cosmique dans toutes les directions. Donc, la lecture devient un processus consistant à explorer l’objet virtuel sous tous les angles possibles. Le lecteur est aussi capable d’évoluer à travers et autour de l’objet, étendant donc les possibilités de lecture. Dans “Lettre”, un cône en spirale fait de mots peut être interprété comme à la fois convergeant et divergeant de la spirale plate. Ensemble, ils peuvent évoquer la création ou la destruction d’une étoile. Tous les textes sont créés comme s’ils étaient des fragments de lettres écrits à la même personne. Cependant, dans le but d’amener à une sphère émotionnelle particulière, l’auteur a confondu les positions subjectives de sa grand-mère, de sa mère et de sa fille en un seul destinataire. Il n’est pas possible de distinguer à qui chaque fragment est adressé. Le poème fait référence aux moments de la mort et de la naissance dans la famille du poète. La lettre est présentée ici  comme une documentation vidéo d’une expérience de lecture interactive.

 

 

La version animée par ordinateur de ce poème, poème 3D interactif, peut se voir sur le site d’Eduardo Kac : www.ekac.org

DÉCIO PIGNATARI

(1927, Jundiai – 2012, São Paulo)

 

BEBA COCA COLA

CLOACA

 

(1957)

 

Sérigraphie n°51/100, signée. Elle fait partie du portfolio “POESIA CONCRETA IN BRASILE”, Archivio Della Grazia de Nuova Scrittura, édité à Milan en mars 1991. Cette archive rassemblé d’abord par le poète visuel italien Ugo Carrega, est actuellement dans les collections du Musée de Rovereto en Italie. Traduction : « Buvez Coca Cola / Cloaque. »

TAKAHASHI SHOHACHIRO

1933 - 2014

« La poésie visuelle doit être la boîte obscure pour le premier mot de la constitution du langage. »

 

Takahashi Shohachiro, né en 1933 à Kitakami, a été membre du groupe VOU de 1957 à 1978, groupe créé par Kitasono Katué, dont il a été très proche. Takahashi Shohachiro est l’auteur de ZERO-ON en 1963, composé de 2 sections : « I Poèmes hiéroglyphiques ou poèmes à voir et II, Poèmes phonogrammiques ou poèmes à écouter. » Il écrit à propos des poèmes phonogrammiques : « D’un point de vue visuel, j’ai l’intention de dépasser le temps et l’espace poétique en développant certains motifs comme des unités extrêmes en soi, à travers la prise en compte du caractère chinois, qui est symbolique. », et plus loin : « Je suis intéressé par une réaction en chaîne du son et du rythme qui surgit à travers la fonction du langage tel qu’il est. Le motif est basé sur l’allégorie que le langage commence à bouger comme si c’était un objet en soi-même. » En 1964, il envoie ZERO-ON à Pierre Garnier en France qui lui répond en lui envoyant sa revue Les Lettres, en lui disant qu’il était très étonné de trouver dans le Far East un poète qui avait les mêmes préoccupations intellectuelles que lui. Il s’en est suivi une série de collaborations internationales dans les revues et dans les expositions. À partir de 1968, il commence sa série Poésieanimation 1 à 5 (oiseaux, vent, ombre, terre d’eau terre de feu, domaine de a), « un amalgame d’images et de mots fragmentaires » imprimé sur une bande de papier enroulé de près de 3 mètres de long. Une autre œuvre, “matrix”, en 1998 : « Un jour, donc, se dissimulant secrètement sous la forme de mots de rencontre, ce « », <point>, est l’énergie « Essentielle = Universelle » qui sera envoyée dans le Territoire des Mots. « Choses qui pourraient être regardées comme quelque chose, comme le Mouvement primordial en lui-même », et le désert aussi a été comme étant généré par des points. »

Et voici ce qu’il dit de sa poésie : « Un amalgame de mots fragmentaires et d’images n’est pas confiné à la simple fonction de transmettre une signification, mais est fait pour répandre une réalité inconnue. Je veux construire le champ magnétique du sens pur qui construit une réelle situation comme une image. »

 

 

Performances      Jeudi 2 mars 2017 à 19 heures

Jean-François BORY   Jacques DONGUY   Hortense GAUTHIER  François POYET